QUE DIT LE WEB DU ROMAN DE FRANçOISE GALLO,  » LA FORTUNA « ?


Je referme un grand livre sur ma Sicile. La petite histoire qui vogue sur l’écume de la grande Histoire, celle de l’immigration.

Cette femme au chignon m’a intriguée sur la couverture. Giuseppa La Fortuna a le même sang bouillonnant que la Modesta de Goliarda Sapienza dans L’Art de la joie.

Enfant abandonnée et confiée aux religieuses, Giuseppa a une faim, une faim tenace, dévorante, une envie féroce de prospérer, de devenir forte, respectée, et de vivre longtemps dans cette Sicile du début du 20 ème siècle. Les sentiments sont comprimés en elle, depuis toute petite, dans ce couvent de Girgenti qui surplombe la mer. C’est une fille étrange, tantôt dure, tantôt douce. La souffrance l’a faite depuis sa naissance à Cattolica Eraclea, orpheline ignorante, elle apprend la vie dans les semences et l’observation des étoiles et de la lune.
 » Tout vient de nous, le bon comme le mauvais, la chance comme la malchance, tout découle de nous, s’enchaîne et revient en nous. Si la vie était mal partie pour moi, elle m’a apporté des pépites d’or parmi les cailloux. J’ai appris à filtrer l’or. Ce fut trés long… »

Ce long apprentissage s’apprend le dos courbé vers le sol, à cultiver la terre. L’abandon sera transcendé par l’amour de la terre.
La Fortuna signifie  » la chance »: maigre consolation pour Giuseppa qu’une dot lui soit attribuée chaque mois par la mère absente. Elle arrache peurs et chagrins comme les mauvaises herbes.

Sa précieuse pépite d’or s’appelle Francesco.
« C’est étrange, ce qui se passe en un éclair entre un homme et une femme : tout est dit entre eux, sans un mot. Ils savent qui ils sont l’un pour l’autre. Ce jour-là, je me suis sentie si proche de Francesco que j’ai eu envie de lui prendre la main. Mais l’intensité de nos regards était plus forte encore. Nous avons eu en pensée, dans ce rêve, dans ce cloître, notre première relation charnelle, comme disent les religieuses. Et j’ai su qu’avec lui j’aimerais ça, toute ma vie. »

Hormis l’amour profond de Francesco, La Fortuna s’estime chanceuse d’avoir grandi au couvent, parmi des femmes. Tant d’hommes l’effraient par leur impitoyable violence envers ce qui échappe à leur contrôle : enfants, femmes, animaux. Quelles mères dominatrices, impérieuses, avaient fabriqué ces hommes-là?
Allait-elle vivre avec eux toute sa vie?

L’abnégation de La Fortuna la mènera à Porto Empedocle pour s’éloigner de cette tradition archaïque des femmes siciliennes:  » Le bonheur, pour une femme digne de ce nom, c’est la maison et les enfants. Si ton mari découche, ferme ta porte du dedans: dehors, il fait ce qu’il veut. »

La Fortuna crachera sur le « maschio », c’est-à-dire le mâle dont se servent les mères siciliennes pour consacrer leur importance de génitrice.

Elle choisira l’amour, l’authentique, unie à Francesco nella gioia e nel dolore. Ce qu’on nomme beauté en amour n’est autre que la forme extérieure des sentiments profonds qui nous remuent.

Elle est tout excès La Fortuna. Elle quittera la Sicile pour sauver son amour, loin de l’appât du gain ancré dans les mentalités siciliennes où les biens matériels priment sur les sentiments.

 » L’amour est monté en nous comme la lave monte inexorablement des profondeurs de l’Etna. Le volcan se fait à elle, se forme par elle: lave et volcan sont d’un seul tenant. Ainsi de nous. Faits la main dans la main. Deux solitudes que le sort assemble et qui prennent ensemble la forme d’un amour. »

Elle quittera l’unique petit caillou qu’elle connaît du vaste monde, sa terre, sa patrie, le pays de ses ancêtres, même s’ils l’ont reniée.
Elle prendra les flots, la peur au ventre, étrangère à tout pour s’installer en Tunisie. Elle deviendra terre ferme. Elle ensemencera la Tunisie avec les graines de Sicile.

Elle est la sentinelle qui veille: Giuseppa La Fortuna. Elle a quitté son île mais la beauté et les parfums de la Sicile ne la quitteront pas.

 

Françoise Gallo est née en Tunisie dans une famille sicilienne, elle est la réalisatrice de documentaires comme Stessa Luna et Une Vérité née en Sicile.

Dans ce roman, j’ai aimé ce féminisme subtil où la femme élabore ses décisions petit à petit. Et puis pour reprendre la pensée de Sciascia, la Sicile comme métaphore est une réduction des problèmes européens. L’étranger sera toujours celui qui arrive de loin, celui qui observe sans être impliqué par rapport à une identité, une idéologie. L’immigré sera toujours celui qui voit les limites des autres et pourra étendre les siennes.

Parfois certains livres permettent de consoler l’histoire intime car l’on reste, à vie, du pays de nos premières sensations.

 Beaucoup de phrases sont extraites du roman de Françoise Gallo. Mais l’article est de Paolina Di Mirontaine. Bravo et merci à elle!

Francoise.gallo@free.fr

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Auteur : Françoise GALLO

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