Une sicilienne qui a du cran

Giuseppa est une femme si forte et déterminée ! Dans ce texte court et dense, le lecteur découvre son abandon à trois mois, son enfance au couvent, son mariage d’amour, sa belle-famille atroce, ses rêves d’aller au-delà de l’horizon.
C’est là un livre délicat, prenant, grave et gai à la fois, qui se lit d’une traite et se rappelle à nous une fois achevé. Merci à Françoise Gallo pour ce joli roman qui rappelle une peu les histoires sardes de Milena Agus.

par Muriel G. (Libraire, Librairie « Comme un roman »)

★★★★★★★★★★★★★★★Signaler ce contenuVoir la page de la critique

« A travers ce portrait extraordinaire d’une femme dotée d’un courage et d’une résilience exceptionnels, l’auteur, elle-même née en Tunisie dans une famille sicilienne, nous fait découvrir la peu connue vague d’émigration qui aboutit à la création d’une importante colonie d’Italiens en Tunisie, majoritairement des Siciliens, et qui connut son apogée au début des années 1900.

Ironie du sort, le périple de Giuseppa ne peut bien sûr que s’inscrire en négatif des vagues de migrants qui tentent aujourd’hui de rallier l’île de Lampedusa, à mi-chemin entre la Tunisie et la Sicile. Autre époque, autre flux, l’histoire se répète indéfiniment, le désespoir poussant les plus malheureux, mais aussi les plus audacieux, à partir tenter leur chance ailleurs.

Le récit se concentre surtout sur ce qui précède la décision de partir de Giuseppa, sa nouvelle vie en Tunisie n’étant que très brièvement abordée. Ce qui intéresse l’auteur est cette impulsion qui pousse au départ, cette capacité à refuser le désespoir et à risquer le tout pour le tout pour une nouvelle vie : une détermination d’autant plus émouvante lorsqu’elle vient d’une femme qui aurait pu, comme beaucoup d’autres, se laisser broyer par son environnement machiste. Il est impossible de ne pas frémir devant les coups du sort qui s’acharne sur Giuseppa, qui pourtant, ne baisse jamais les bras, toujours prête à forcer le destin et à revendiquer sa liberté.

Agréable à lire, parfaitement crédible dans sa représentation de la vie des Siciliennes de l’époque, ce roman historique est un hommage aux aïeux de l’auteur, mais aussi une formidable leçon de courage, involontairement féministe.

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« Je referme un grand livre sur ma Sicile. La petite histoire qui vogue sur l’écume de la grande Histoire, celle de l’immigration.
Cette femme au chignon m’a intriguée sur la couverture.
Giuseppa La Fortuna a le même sang bouillonnant que la Modesta de Goliarda Sapienza dans L’Art de la joie.« 

‘La Fortuna’, roman de Françoise Gallo ALTRI ITALIANI https://altritaliani.net/la-fortuna-roman-de-francoise-gallo-aux-editions-liana-levi/

‘La Fortuna’, roman de Françoise Gallo aux éditions Liana Levi

« Si je me suis trompée, c’est toute ma famille qui sombre dans la mer africaine. J’ai peur, j’ai froid. Je ne suis plus rien, ni derrière, ni devant. Qui sait où le passeur nous mènera et s’il respectera notre accord ? Je serre mes enfants contre moi : Dormez, dormez, mes petits. Quand vous vous réveillerez, nous serons arrivés. »

livre recension AltritalianiAinsi débute « La Fortuna », premier roman de Françoise Gallo (éditions Liana Lévi), auteur réalisatrice de fictions et de documentaires. « Je me suis battue pour garder ce début », nous confie-t-elle d’une vois chaude et calme, le regard ému. Elle a eu raison, car cet incipit fracassant donne d’emblée le ton à l’un des plus beaux textes parus ces derniers temps, et qui mériterait l’imprimatur en langue italienne. Le projet de ce livre a accompagné Françoise Gallo pendant longtemps, depuis l’écriture et la réalisation du documentaire « Stessa Luna », prix SCAM « Brouillon d’un rêve littéraire en 2007 », qui en constitue la version cinématographique. « Le film a servi de modèle à mon récit », dit-elle.

On pourrait croire, à la lecture de ces premières lignes, qu’il s’agit de la traversée périlleuse de l’un de ces migrants qui tentent, de nos jours, d’aborder nos rivages. Il n’en est rien, et bien que cette actualité tragique apparaît en filigrane tout au long du livre, l’auteur s’est inspirée de l’histoire de son arrière grand-mère paternelle, Giuseppa La Fortuna, née bâtarde, laissée à trois mois dans le tour d’abandon d’un couvent et élevée par des religieuses. En 1901, avec son mari Francesco et leurs quatre enfants, Giuseppa quitte sa Sicile natale, cette île « frappée de tous côtés par la beauté et le malheur », pour trouver une meilleure vie en Tunisie. Cette migration italo-tunisienne est peu connue. Pourtant ils furent nombreux, les Siciliens qui s’installèrent, au début du siècle dernier, dans la médina de Tunis ou ailleurs, notamment dans le port de la Goulette, près de Tunis, qu’on appelle aujourd’hui encore « la Petite Sicile » et où avait lieu chaque année, au 15 août, la procession de la Vierge de Trapani.

Françoise Gallo a vécu en symbiose avec Giuseppa La Fortuna, son héroïne et double littéraire. Elle a « guetté » son personnage tous les jours, avec acharnement. Elle l’a portée en elle. Les grands romanciers russes – Gogol en particulier – et les auteurs siciliens bien entendu, l’ont marquée. Leonardo Sciascia, qu’elle admire par-dessus tout, qu’elle rencontra à Racalmuto dans la Province d’Agrigento en 1969, l’avait encouragée à écrire sur la Sicile. Elle le lui promit. Elle tient, aujourd’hui, brillamment parole.

« Je me suis demandée comment évoquer l’histoire de Giuseppa. Elle m’avait été relatée par mon père et avait illuminé ma jeunesse. Comment décrire cette femme et sa révolte sourde contre l’hostilité du destin ? Je suis enfin sortie de moi pour entrer en elle », avoue-t-elle.

A ses débuts, Françoise Gallo a rédigé des papiers dans la presse où elle a appris la concision, à « faire des brèves », dit-elle accompagnant ses mots de gestes lents, mesurés. Elle écrit comme elle parle. Avec finesse et justesse. On est ému en lisant ces pages qui évoquent une Sicile évanouie. Si l’histoire est singulière, c’est le style qui en fait la force et emporte l’adhésion : sens du rythme, personnages évoqués par touches saisissantes, art du raccourci, formules poétiques inattendues. Tout, dans « La Fortuna », nous remue et nous enchante.

Carlo Jansiti

LE LIVRE:
La Fortuna
de Françoise Gallo
Editions Liana Lévi
Date de parution : 3 octobre 2019
144 pages – 15,00 €
Version numérique – 11,99 €

L’AUTEUR:
Françoise Gallo, née en Tunisie dans une famille sicilienne, rejoint à huit ans la Provence. Elle écrit et réalise des fictions et des documentaires. En 2006, elle signe un 52 minutes, Stessa Luna, Prix SCAM «Brouillon d’un rêve littéraire», point de départ de l’écriture de ce roman inspiré de l’histoire de sa famille, et de tant d’autres. Elle vit entre Aix-en-Provence et Paris. La Fortuna est son premier roman.

QUE DIT LE WEB DU ROMAN DE FRANçOISE GALLO,  » LA FORTUNA « ?


Je referme un grand livre sur ma Sicile. La petite histoire qui vogue sur l’écume de la grande Histoire, celle de l’immigration.

Cette femme au chignon m’a intriguée sur la couverture. Giuseppa La Fortuna a le même sang bouillonnant que la Modesta de Goliarda Sapienza dans L’Art de la joie.

Enfant abandonnée et confiée aux religieuses, Giuseppa a une faim, une faim tenace, dévorante, une envie féroce de prospérer, de devenir forte, respectée, et de vivre longtemps dans cette Sicile du début du 20 ème siècle. Les sentiments sont comprimés en elle, depuis toute petite, dans ce couvent de Girgenti qui surplombe la mer. C’est une fille étrange, tantôt dure, tantôt douce. La souffrance l’a faite depuis sa naissance à Cattolica Eraclea, orpheline ignorante, elle apprend la vie dans les semences et l’observation des étoiles et de la lune.
 » Tout vient de nous, le bon comme le mauvais, la chance comme la malchance, tout découle de nous, s’enchaîne et revient en nous. Si la vie était mal partie pour moi, elle m’a apporté des pépites d’or parmi les cailloux. J’ai appris à filtrer l’or. Ce fut trés long… »

Ce long apprentissage s’apprend le dos courbé vers le sol, à cultiver la terre. L’abandon sera transcendé par l’amour de la terre.
La Fortuna signifie  » la chance »: maigre consolation pour Giuseppa qu’une dot lui soit attribuée chaque mois par la mère absente. Elle arrache peurs et chagrins comme les mauvaises herbes.

Sa précieuse pépite d’or s’appelle Francesco.
« C’est étrange, ce qui se passe en un éclair entre un homme et une femme : tout est dit entre eux, sans un mot. Ils savent qui ils sont l’un pour l’autre. Ce jour-là, je me suis sentie si proche de Francesco que j’ai eu envie de lui prendre la main. Mais l’intensité de nos regards était plus forte encore. Nous avons eu en pensée, dans ce rêve, dans ce cloître, notre première relation charnelle, comme disent les religieuses. Et j’ai su qu’avec lui j’aimerais ça, toute ma vie. »

Hormis l’amour profond de Francesco, La Fortuna s’estime chanceuse d’avoir grandi au couvent, parmi des femmes. Tant d’hommes l’effraient par leur impitoyable violence envers ce qui échappe à leur contrôle : enfants, femmes, animaux. Quelles mères dominatrices, impérieuses, avaient fabriqué ces hommes-là?
Allait-elle vivre avec eux toute sa vie?

L’abnégation de La Fortuna la mènera à Porto Empedocle pour s’éloigner de cette tradition archaïque des femmes siciliennes:  » Le bonheur, pour une femme digne de ce nom, c’est la maison et les enfants. Si ton mari découche, ferme ta porte du dedans: dehors, il fait ce qu’il veut. »

La Fortuna crachera sur le « maschio », c’est-à-dire le mâle dont se servent les mères siciliennes pour consacrer leur importance de génitrice.

Elle choisira l’amour, l’authentique, unie à Francesco nella gioia e nel dolore. Ce qu’on nomme beauté en amour n’est autre que la forme extérieure des sentiments profonds qui nous remuent.

Elle est tout excès La Fortuna. Elle quittera la Sicile pour sauver son amour, loin de l’appât du gain ancré dans les mentalités siciliennes où les biens matériels priment sur les sentiments.

 » L’amour est monté en nous comme la lave monte inexorablement des profondeurs de l’Etna. Le volcan se fait à elle, se forme par elle: lave et volcan sont d’un seul tenant. Ainsi de nous. Faits la main dans la main. Deux solitudes que le sort assemble et qui prennent ensemble la forme d’un amour. »

Elle quittera l’unique petit caillou qu’elle connaît du vaste monde, sa terre, sa patrie, le pays de ses ancêtres, même s’ils l’ont reniée.
Elle prendra les flots, la peur au ventre, étrangère à tout pour s’installer en Tunisie. Elle deviendra terre ferme. Elle ensemencera la Tunisie avec les graines de Sicile.

Elle est la sentinelle qui veille: Giuseppa La Fortuna. Elle a quitté son île mais la beauté et les parfums de la Sicile ne la quitteront pas.

 

Françoise Gallo est née en Tunisie dans une famille sicilienne, elle est la réalisatrice de documentaires comme Stessa Luna et Une Vérité née en Sicile.

Dans ce roman, j’ai aimé ce féminisme subtil où la femme élabore ses décisions petit à petit. Et puis pour reprendre la pensée de Sciascia, la Sicile comme métaphore est une réduction des problèmes européens. L’étranger sera toujours celui qui arrive de loin, celui qui observe sans être impliqué par rapport à une identité, une idéologie. L’immigré sera toujours celui qui voit les limites des autres et pourra étendre les siennes.

Parfois certains livres permettent de consoler l’histoire intime car l’on reste, à vie, du pays de nos premières sensations.

 Beaucoup de phrases sont extraites du roman de Françoise Gallo. Mais l’article est de Paolina Di Mirontaine. Bravo et merci à elle!

Francoise.gallo@free.fr

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